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Quel plaisir de retrouver la verve de Jacques Durand !
Merci à Lo taure Roge.


«D’une certaine façon le matador Amor Antunez “El Andaluz” a fait les choses à l’envers…» retour sur la vie du torero à qui la ville a rendu hommage le 10 avril dernier aux arènes de Nîmes.
Bonne lecture


El Andaluz * dans "La lettre de Jacques Durand"

"D’une certaine façon le matador « El Andaluz” a fait les choses à l’envers une D’abord il est mort en 1977 à Valladolid ensuite et vingt-sept ans après cette menue péripétie il a pris l’alternative à 52 ans à Mauguio, des mains de Julito Aparicio qui aurait pu être son fils. Et après une belle carrière de banderillero en particulier avec Richard Milian.

Fin juillet 1977 il est novillero. Au cours d’une course à Valladolid alors qu’il plante une paire de banderilles un toro lui donne un violent coup de plat de corne sur la tempe. Apparence de coma. Le trou noir ? Non. Il a les yeux ouverts, entend tout et voit tout sans pouvoir réagir. Il voit les chirurgiens qui l’auscultent puis enlèvent leur masque et sortent de l’infirmerie. Ils laissent la place à un curé qui lui donne l’extrême-onction, à lui, fils d’anarchiste. Après trente-six heures de cirage il reprend ses esprits à l’hôpital des bonnes sœurs, où il reste plusieurs jours. Mais il n’a rien pour payer. Alors, aidé par son apoderado Pepe Calabuig, petit maraîcher à Arles et gros vendeur taurin de salades, il saute par la fenêtre et file à l’anglaise. Pepe Calabuig avait aussi créé à Arles une école de tauromachie. Il faisait corver les apprentis toreros à son potager puis leur montrait deux posters, sur un une pin-up, sur l’autre une bouteille de pastis : « les deux ennemis des toreros ». Andaluz va au sanatorium des toréros à Madrid où il croise Nimeño II qui sort d’un coup de corne. Après huit jours d’examens et de radios le chirurgien de toreros Maximo de la Torre lui apprendra qu’il aurait dû mourir. Pour son alternative Aparicio lui dira qu’il connaissait son parcours de banderillero, qu’à partir de maintenant ils étaient amis et que, formule obligée qui n’engage à rien, sa maison était la sienne. Andaluz : « Pour résumer et en deux mots il m’a dit que j’avais une grosse paire de couilles de faire ça. »

À Mauguio El Andaluz portait un habit de lumières aubergine et or avec, accrochés discrètement à son bras gauche, deux petits rubans. Un rouge, un noir. Hommage à l’anarchie et à son père Cipriano, natif de Lora del Rio, Andalousie, combattant libertaire pendant la guerre civile espagnole, condamné par Franco à douze ans de prison. Il commence sa peine à Séville puis est transféré à Saragosse pour accomplir des travaux d’intérêt public. Il construit une route avec d’autres prisonniers. Il y rencontre Blanca, une bénévole qui vient donner à boire aux forçats. Ils s’aiment. Blanca l’aide à s’évader de la prison de Saragosse en 1940, date à laquelle l’état civil de Loral del Rio le déclarera mort. El Andaluz : « Je suis aussi le fils d’un fantôme. »

Cipriano réussit à passer en France où il est recueilli par Philippe Lamour qui lui trouve un travail. En 1951 Cipriano réussit à faire sortir Blanca par les Pyrénées. Amor (Amour) naît en 1952 à Nîmes. Les Antunez y vivent avec d’autres familles de réfugiés espagnols dans une maison qui a, rue du Chapitre, une cour commune, une nostalgie commune, l’Espagne, une passion commune, la corrida. Une voisine a un pick-up ; le pick-up balance plein tube España cani et Valencia. Les enfants jouent à la corrida. Il y a là Robert Piles, futur matador, fils du banderillero José Piles et neveu du picador Antonio. Plus des petits français : Lucien Orlewski “Chinito”, Frédéric Pascal, Christian Montcouquiol “Nimeño II”. Cipriano qui fait partie du réseau Solidarité Internationale Antifasciste est aficionado. Il a fabriqué un toro avec des sacs emplis de paille. Ses sabots sont les chaussures de la petite sœur cadette de Amor. Amor fabrique déjà des vestes de torero avec du carton. Il veut devenir matador et rien d’autre. Il l’a écrit un jour en gros sur la tapisserie toute neuve de sa chambre. Cipriano lui a foutu une rouste. À cause de la tapisserie. Il s’entraîne avec les Piles, débute en novillada sans picadors avec Jacques Brunet “Jaquito”, “Chinito”, “Nimeño II” et Pascal à Nîmes le 12 octobre 1960. Amor, que l’on compare à Miguelín est novillero et aussi bassiste du groupe rock les Rince Doigts et également poseur de verrous, vendeur d’extincteurs, d’encyclopédies, etc.

Pour toréer en Espagne on lui a conseillé de se faire appeler Manuel. Amor, comme Soledad ou Libertad est un prénom trop « républicain ». Il torée plus de cent-vingt novilladas entre 1975 et 1979 sans parvenir à prendre l’alternative à la différence de Chinito, Jaquito, Nimeno II et Frédéric Pascal. Il se fait banderillero et sera le premier Français à entrer en poste fixe dans une cuadrilla espagnole, celle de Raul Galindo, matador syndicaliste. Il travaillera pour Canales Rivera, Zorita, Juan Posada, d’autres et donc, surtout, Richard Milian. Il sera aussi tailleur d’habits taurins et syndicaliste taurin pendant dix ans. On lui doit entre autres la reconnaissance du statut de torero professionnel français par le ministère de la culture. Le 6 juin 2004 à Mauguio, devant son second toro, un Hermanos San Pedro, il a brindé à Alain Montcouquiol, et la main sur la hanche, a tranquillement donné une faena stricte, simple, cadencée. Elle avait un parfum de tauromachie à l’ancienne. Il a raté les estocades, perdu les deux oreilles « mais, les oreilles, à mon âge ça ne compte plus ». L’estocade a toujours été son point faible. Normal. Ceux qui sont morts au moins une fois ont rarement le goût de tuer."

El Andaluz, décédé ce lundi 10 avril, a été incinéré lundi dernier à Nîmes, où son cercueil a fait une dernière vuelta dans les arènes.

* Texte publié dans Libération le 17 juin 2004.




tem40 Le: 24/04/23
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