Visiteurs: 305014
Aujourd'hui: 9
 
Bayonne: callejon 4 8 heures 20. Je remonte du petit-déjeuner. Augustin toujours endormi. On ne sait plus par où (ne pas) prendre la crise. La crise dans les arènes, le bordel hors des arènes. Comme si Dieu avait retiré au monde son « triple A ». Univers dégradé. Les fenêtres de l’hotel Mercure offrent, en bord de Nive, une vue imprenable sur la Toussaint de cet été pourri. Sur ma table de travail le sirop Clarix (toux grasse) & les pastilles Oropolis pour gorge irritée. Bautista est dans l’hôtel. Au cartel, ce soir, avec José Tomas. Les arènes seront enfin pleines. Personne, hier, pour voir Julien et les Flor de Jaja. La plus mauvaise entrée de ce cycle qui ne fait que des mauvaises entrées. Vantés sur le programme comme des incarnations de la sauvagerie primitive, les toros d’hier étaient donc des toros de mierda. Selon la formule du photographe Maurice B., venu trouver refuge contre la flotte, dans mon callejon couvert. Sur les gradins clairsemés des capuches, des parapluies, des ponchos regardaient ce naufrage. Epaves du mirage taurin. Julien n’eut, comme dit pudiquement la presse, aucune option. Pas un toro pour ses deux courses dans sa ville. Il fut digne et déterminé. Le bruit mat d’un coup d’épée rageur contre sa cape mouillée. – « Qu’est-ce que tu veux y faire, Yves ». Mots de sa mère, le soir, sous les arcades des quais de Nive. Elle rentrait dans un restaurant ; Augustin et moi marchions vers un autre. Brèves bises des mauvais jours sous la flotte qui tombait sans cesse sur Bayonne. Comme la pluie sur Brest dans les poèmes de Prévert. Nous avons fait semblant d’oublier tout ça, mon fils & moi, au « Cœur des hommes ». Omelette aux girolles, tartare à votre façon, poêlée de chipirons, poire au vin, café gourmand, pessac-léognan. J’ai dit à Gus que ça s’appelait le Guignon, chez Baudelaire. Le fait d’avoir toujours les plus mauvais toros d’un mauvais lot de toros. Des chroniqueurs superstitieux feront un jour l’histoire du sorteo dans la carrière de Julien Lescarret. L’histoire d’une malchance fidèle. La seule bête potable de cet après-midi tomba dans la cape inspirée de David Mora. Beautés de passage. J’ai tout oublié. Sauf le tristesse. Nous n’avons pas téléphoné à Julien. Pas de sms. Il y a des soirs où la solitude est faite pour que les toreros soient tout seuls dedans. Comme les autres hommes dans un chagrin d’amour. Après ses trois oreilles triomphales de l’an dernier, Julien pouvait, programmé deux fois cette saison dans les arènes de Bayonne, changer de destin. Renaissance avortée. Pas de toros, pas de toreros. Le matador aquitain avait pourtant coupé, la veille, une importante oreille à la corrida-concours de Vic. Dax et Arles, dernières dates de la dernière chance. « Face à la dette la zone euro tente de s’organiser ». Fi de ce monde. Ce soir José Tomas va gagner, et rien qu’en faisant le paseo, plus que Julien pendant toute sa saison en enfer. Les toros, la couleur de l’argent. J’ai presque terminé mon autoportrait en torero modeste. Ma gueule de poète mineur dans le miroir, chambre 420, de cette salle de bain aux normes. Il n’y a qu’un parti à prendre dans la vie. Le parti des perdants. La réussite, on vous la laisse. Condoléances.

Yves Charnet


pierre Le: 07/08/11



tem40 Le: 07/08/11
Ganaderias françaises à Vic BAYONNE: une leçon d'histoire
Image aléatoire
Galerie
Recherche