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Rss Montherlant


Montherlant par Pierre Yves Trémois



C'est à Bayonne, en 1909, à 14 ans que Montherlant découvre la corrida. Dès 1910, en Espagne, il s'initie à la pratique de la tauromachie, il affronte et tue son premier toro. 1925: c'est le retour en Espagne et à la pratique tauromachique. Il se lie d'amitié avec le grand Juan Belmonte qui lui fait découvrir l'Espagne profonde. Dans un pâturage, Montherlant affronte imprudemment un toro et est gravement blessé.

"J'ai en effet toréé.

N'ayant nulle envie de plastronner avec vous, je vous dit sur-le-champ que je me suis dépensé sur les taureaux, pour tuer le temps, comme un tireur qui tire sur des cibles.

Cependant magnifié - ou semblant l'être - dans ma parure de conquérant officiant; j'ai vécu, dans une griserie incomparable, le cruel poème du sang, de la volupté et de la mort. La tauromachie, corps-à-corps sacré, m'a permis de cultiver mon système nerveux: l'épée cachée sous la muleta (cape), on trompe d'abord, et on tue ensuite.

Aficionado dans les années mille neuf cent neuf et mille neuf cent quatorze, j'ai toréé pour des becerradas (courses sans picadors et avec des taurillons âgés de un à deux ans). Ce genre de tauromachie d'amateurs est courante en Espagne; la jeunesse téméraire s'y met en gaieté. J'ai pratiqué aussi les capeas, ce sont des corridas où les amateurs ont l'occasion de s'exercer sous le regard de toréadors chevronnés; et surtout de se retrouver nez à nez avec le taureau. Souffle à souffle, devrais-je dire!

Cela dit, je n'ai jamais participé aux Fiestas Bravas avec les foules délirantes, récoltes d'oreilles et vueltas (tours d'honneur). J'abandonnai définitivement la corrida, en mille neuf cent vingt-cinq, suite à un coup de corne quil m'esquinta le poumon.

J'ai raconté notamment dans Espana Sagrada ma première mise-à-mort. La frousse, le vertige, le coeur qui bat à grands coups au moment d'entrée dans l'arène, le bruit des pas redoublés qui soutient, dans une totale nécessité, pour donner du courage... L'estocade d'où coule avec l'avidité d'un griffon, le sang grenat générateur et purificateur de l'animal sublime.

Je ne finirais point de vous citer les textes où j'ai identifié mon écriture, et surtout mon théâtre, à la tauromachie. Écrivain matador, tenant mon destin comme l'aficionado sa muleta, j'ai fait tournoyer mes personnages autour de moi, en les dominant: je les ai broyés, lacérés, et occis.

Ais-je eu la sangre torera (sang torero)? Noblement je réponds oui! J'ai écrit comme on sacrifie. Officiant, j'ai adoré le corps de la bête narcissique pleine de boue, de bave, de sable et de déchirures. La corrida m'a révélé que l'on peut être enivré par une bête, en même temps qu'on la tue, que l'on peut ad absurdum adorer la vie qu'on lui ravit.

En terminant, je ne saurais vous parler avec brio du sable clair mais en revanche je me ressouviens avec éclat du sable jaune canari sévillan.


À vous,


Henry de Montherlant"


"Je ne comprends la protestation contre les courses que de ceux qui protestent en même temps contre la chasse, contre la chasse, contre la domestication de l'animal.........les autres n'ont rien à dire et leurs attaques contre la tauromachie sont ou de la politique ou de la nervosité."
"Le caractère érotique de la tauromachie, qui aujourd'hui crève les yeux de tous, a été manifesté pour la première fois par Juan Belmonte, homme très érotique, qui toréait avec érotisme.[...] Je fus le premier à introduire l'érotisme tauromachique dans la littérature française. En avait-on traité auparavant dans l'essai ou dans le roman espagnol? Je ne sais"
 
 
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Ecrit par: tem40, Le: 01/11/11


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