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Rss La France, fille cadette de l'arène par J.Durand
La France, fille cadette de l'arène
Depuis 1853, intellectuels et artistes défendent le drame inclassable de la corrida.
Par JACQUES DURAND

La corrida, issue du XVIII e espagnol, arrive en France à Bayonne en 1853. L'impératrice Eugénie de Montijo est en vacances à Biarritz. Elle est espagnole, elle aime les courses de taureaux. Elle en fait organiser. Le goût sen répand dans le sud de la France, puis dans presque tout le territoire, y compris à Roubaix et jusquà Paris où, rue Pergolèse, en 1888, se construit une arène de 22 000 places, plus importante que celle de Séville. Face à l'opposition qu'elle suscite, la corrida se replie sur ses zones de tradition où préexistaient, dans le Midi rhodanien ou le Sud-Ouest, des jeux taurins.Fascination. Dès son arrivée dans l'Hexagone, la course de taureaux séduit des écrivains qui la dédouanent : Alexandre Dumas, Prosper Mérimée, Théophile Gautier et, un siècle plus tard, Montherlant, Cocteau, Michel Leiris (qui est allé jusquà rédiger des comptes rendus de corridas dans la revue nîmoise Toros), Georges Bataille ou Joseph Peyré, prix Goncourt 1935 avec Sang et lumières. En France, de Simone de Beauvoir à Florence Delay, le combat de taureaux, drame inclassable qui tient du rite, du jeu, du sport, de l'art, du spectacle selon le philosophe Francis Wolff (1), a continué, avec plus ou moins de discrétion, d'alimenter la curiosité intellectuelle. Autour de plusieurs penseurs, la revue Critique consacre dailleurs son numéro daoût-septembre aux valeurs quelle véhicule.
Cest moins la force juridique de sa tradition que le pouvoir de fascination qu'elle dégage qui, outre sa force économique, a permis la permanence du phénomène. Là où ses opposants ne pensent déceler que du sadisme, les aficionados voient l'exaltation d'éternelles vertus morales et esthétiques en même temps. Débat impossible. Pour ces derniers, si elle marque la fin du combat, la mort du taureau n'en est pas la finalité. La finalité, cest ce qui peut, à loccasion, surgir de la toujours dangereuse confrontation entre un taureau agressif et vaillant et un homme courageux, intelligent, élégant et loyal face aux cornes. Le torero, disait Orson Welles, est un acteur auquel il arrive des choses réelles.
Dans des sociétés où le virtuel s'empare des imaginaires, la corrida propose un réel cru et nu. C'est peut-être, par contrecoup, une des raisons de son succès grandissant. Il n'a rien à voir avec un pseudo engouement snob et jetsetteur qui est une pure invention. Depuis Ava Gardner à Nîmes ou Faye Dunaway à Béziers, voilà plus de dix ans, les grandes stars ne fréquentent plus les plazas de toros, mais Roselyne Bachelot oui, mercredi à Bayonne, et Lionel Jospin oui, à Madrid en mai. La corrida, manifestation du parisianisme ? A Nîmes, pour la feria de Pentecôte, 50 % des spectateurs venaient du Gard, 11 % de lHérault et 4 % seulement de Paris.
Ras bord. Pour preuve de sa vitalité, la course de taureaux connaît des niveaux d'affluence rarement atteints. Deux corridas sold out à Arles à Pâques, onze à Séville et trente fois les arènes de Madrid, 23 000 places, à ras bord pour les trente corridas d'affilée de la feria de San Isidro et de la Comunidad. Mercredi, trois arènes bondées dans le Sud-Ouest : Roquefort des Landes, Dax, Bayonne. Le plein aussi à Béziers et aux Saintes-Maries-de-la-mer. Plus un billet à la vente aux arènes de Malaga et à Nîmes, où le record d'affluence de la feria des vendanges 1990, 54 581 spectateurs, a de grandes chances dêtre égalé, voire dépassé.
(1) Philosophie de la corrida, éd. Fayard
 
 
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Ecrit par: tem40, Le: 12/06/12


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